mercredi 7 octobre 2009

croissance et finance : déception du G20

Croissance et finance par Luc Chatel

Surprenant Michel Rocard. Un jour il légitime Nicolas Sarkozy en acceptant ses missions (sur le grand emprunt, la taxe carbone…), le lendemain il en appelle à une politique radicalement opposée : « dans la pensée économique dominante, on dit : “Améliorons le marché, et il y aura moins de chômage !”. C’est tellement faux. » Cette citation extraite d’un entretien donné au Monde (1) révèle les paradoxes de l’ancien Premier ministre, et à travers eux, ceux de notre époque. D’un côté, il se fait l’apôtre du consensus, du compromis de gouvernement, de l’autre, il dresse des constats qui appellent à l’exact contraire : rupture et radicalité. Par exemple quand il dit : « l’économie a cessé de s’intéresser aux conséquences sociales de ce qu’elle faisait pour laisser cela à la charité ou à la police ». De tels écarts entre le constat et la pratique, entre la pensée et l’action contribuent à rendre les électeurs perdus et les citoyens perplexes.
Le constat s’applique aux réactions face à la crise, notamment autour des G20. À quelques rares exceptions près, économistes et gouvernants expriment la nécessité d’une remise en cause radicale du système. Quel candidat en campagne, quel grand chef d’entreprise ou patron de banque n’a jamais déclaré, la main sur le cœur, que l’économie devait être mise au service de l’homme ? Colloques et débats sont organisés tous les deux jours sur la question. Et le 26 septembre, au lendemain du G20 de Pittsburgh, que voit-on ? Les chefs d’État des plus grandes puissances économiques et financières satisfaits d’avoir pris des mesurettes qui ne sont absolument pas à la hauteur des enjeux. Et rien sur les « conséquences sociales » dont parle Michel Rocard, rien sur le chômage durable qui touche pourtant tous ces pays. Le dogme de la croissance, bousculé par les scores croissants des écologistes et de la gauche radicale en Europe (France, Allemagne, Portugal), reste la vertu cardinale des chefs d’État et de gouvernement. Pour preuve, l’un des rares motifs de satisfaction du G20, selon certains, serait la place désormais plus importante laissée aux pays émergents : Brésil, Inde, Chine. Mais quel est le modèle de ces pays ? Exactement le même que le nôtre : développement économique et creusement des inégalités. Sans même parler d’écologie… La nouvelle gouvernance promue de G20 en G20 n’est qu’esthétique, elle demeure celle de la finance et de la croissance.

(1) Dimanche 27 septembre.

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